Quand on parle de l'émergence du reggae français à la fin des années 90, on évoque évidemment le groupe Tryo. Il développe un style bien à part entre chanson française et rythmiques jamaïcaines, ce qui rend cette formation assez singulière.
Après avoir commencé à trois comme le nom du groupe le laisse deviner, Tryo est rapidement devenu un quatuor dès que les trois guitaristes, Guizmo, Manu Eveno, Christophe Mali, ont été rejoints par le percussionniste Daniel Bravo. La MJC (Maison des Jeunes et de la Culture) de Fresnes, ville de banlieue parisienne, a servi de point de départ à plus d'un titre dans leur histoire.
C'est en effet à cet endroit que Manu et Guizmo se sont retrouvés à partir de 1992 avec M'Panada, une formation de fusion dont ils étaient tous deux membres. Mali, autre habitué des lieux, finit par les rencontrer et les fait participer en 1994 à la comédie musicale qu'il a écrite.
L'année suivante, ils partent ensemble en vacances dans les Pyrénées avec un groupe d'une quinzaine de personnes. Dans l'ambiance des veillées autour des feux de bois, ils grattent leurs guitares et mêlent leurs voix sur des morceaux de Guizmo ou Mali. L'alchimie paraît aussitôt évidente aux yeux du reste de la bande qui les encourage à aller plus loin, à la grande surprise des trois intéressés qui n'avaient jamais encore pensé s'associer. Dès la rentrée, la MJC leur propose d'assurer une première partie de concert, ce qui les amène à faire connaissance de Bibou, devenu depuis leur ingénieur du son et leur manager.
Car dès cette première prestation, il semble évident que la formule a un réel potentiel d'après la réaction du public. En 1996, après quelques dates dans de petites salles de la région parisienne, ils se focalisent sur la Bretagne, un territoire qui continue d'échapper à la logique commerciale en terme de musique et accouche régulièrement d'artistes "révélations". Au cours des six derniers mois de l'année, Tryo élargit son champ d'action et part à la conquête de la Vendée, puis de la Bourgogne. Entre temps, Daniel, qui avait joué dans une pièce de théâtre avec Mali, a intégré la formation avec ses percussions.
La cassette qu'ils avaient enregistrée peu de temps après leurs débuts, n'est plus suffisante pour satisfaire la demande. Destinée à trouver des concerts, elle s'est écoulée à 1500 exemplaires. Fin 1997, le groupe produit dans l'urgence son album "Mamagubida" avec un studio quatre pistes et des prises live de concerts à la MJC de Fresnes et en Bretagne, dans le bar du frère de Guizmo. Les conditions ne sont pas idéales pour aboutir à un résultat parfait, mais Tryo revendique ses approximations et ce côté artisanal, préférant exposer sa musique telle qu'elle se vit et non comme un produit. Les musiciens préfèrent insister sur la chaleur et la dimension humaine de leur disque. Ils essaient de faire des chansons qui "se sifflent sous la douche" et pour enfoncer un peu plus le clou de l'authenticité, ils n'hésitent pas à dire que, à quelques exceptions près, les chœurs, les harmonies et les structures des morceaux naissent sur scène. Cet aspect naturel, dénué du superflu, est l'essence même de leur style emprunté autant au patrimoine du reggae jamaïcain qu'à celui de la chanson française.
Puisqu'ils ont horreur des étiquettes, ils ont préféré s'en coller une avec l'expression "reggae akoustik" car leur musique est basée sur le chant, les guitares et les percussions. Aucun instrument électrique, et donc pas de basse qui constitue pourtant l'un des éléments déterminants du reggae. Ils innovent, se démarquent, utilisent le canevas créé par les Jamaïcains pour poser par-dessus leurs références françaises. Dans leurs influences, ils citent Renaud, Higelin, Thiéfaine, Brel, Brassens... Tryo s'inscrit dans la tradition des chansons à textes, engagées, avec un message qui mélange Marley, Desproges et Coluche. L'esprit est contestataire, les paroles sont pétillantes. Le cocktail fait recette dès la sortie de "Mamagubida" en 1998.
Pendant plusieurs mois, le groupe distribue lui-même son disque et doit en refaire fabriquer régulièrement. Le phénomène prend des proportions qui incitent les maisons de disques à se pencher enfin sur le cas Tryo. Méfiants, Manu, Mali Guizmo et Daniel veulent garder leur liberté pour ne pas se trouver pris en flagrant délit de contradiction en acceptant ce qu'ils rejettent dans leurs chansons. Eux qui fustigent sans distinction ni modération les politiciens dans "Regardez-les" ont pourtant été récompensés par le maire de Paris Jean Tibéri qui leur remet en 1998 le Grand Prix de la ville de Paris dans la catégorie "chanson française". Au moment où "Mamagubida" ressort chez Sony, il s'en est déjà vendu à 15.000 exemplaires. Cinq mois plus tard, en mai 1999, il approche les 80.000, puis les 130.000 à la fin de l'année. Il continue depuis son ascension et se situe en été 2001 au delà de la barre des 400.000. Le succès s'est fait en dehors du circuit médiatique, essentiellement par le bouche-à-oreille, soutenu par une longue tournée.
Au cours des sept premiers mois de 1999, le groupe a fait 90 concerts dont le festival reggae de Bercy, les Francofolies de La Rochelle, les Vieilles Charrues, le Paléo Festival de Nyon en Suisse et quelques crochets en Belgique et au Canada. Sur scène, s'ils sont assis sur des tabourets, les quatre musiciens ont su recréer un décor en accord avec leurs valeurs en s'entourant d'une soixantaine de plantes vertes qu'ils ont apportées partout avec eux (avec un jardinier !).
L'année 2000 est en partie consacrée à la préparation du second album "Faut qu'ils s'activent" sorti au mois d'octobre. Il conserve en partie l'ambiance live avec quatre chansons extraites de concerts donnés à Millau et à Lille, mais les dix autres morceaux ont été faits en studio, une expérience marquante pour ce groupe qui n'a encore jamais travaillé sa musique dans un tel environnement, avec de nouvelles idées rapportées de voyages. L'album se vendra à 300.000 exemplaires.
Entre l'enregistrement et le mixage, le groupe effectue une mini-tournée, du Soudan à l'île de la Réunion, en passant par l'Olympia et par Bruxelles. Au printemps 2001, Tryo repart sur les routes avec une équipe de 36 personnes pour un spectacle peu ordinaire intitulé "Reggae à coup d'cirque". Né d'une rencontre coup de foudre deux ans plus tôt avec la troupe des Arrosés, ce projet associe cirque de rue et musique. Il est présenté dans les parcs des expositions et les Zéniths d'une vingtaine de grandes villes.
Tryo s'installe tranquillement dans le paysage musical français. En juin 2003, le groupe sort un nouvel album "Grain de sable", fruit de son inspiration, de ses voyages et de ses réflexions sur les évènements internationaux. Le premier titre de l'album s'intitule d'ailleurs "G8" et dénonce l'ordre mondial. Cultivant toujours son sens critique, il s'en prend aussi aux médias avec "Sortez-les". A l'occasion de l'enregistrement de ce disque et pour la première fois, les membres du groupe ont pris des cours de chant et ont recruté un réalisateur, professionnalisant ainsi leur activité. Dès le 31 mai, Tryo repart sur les routes de France pour une grande tournée qui passe par Paris (La Cigale) les 10-11-12 juin.
Un millions d’albums vendus, des milliers de concerts: Tryo s’est définitivement installé sur «la nouvelle scène française». Sa notoriété s’étend maintenant à la Belgique, à la Suisse, au Canada, où le groupe tourne en 2004. Sur scène le 9 juillet 2004 au Festival d'été de Québec, Tryo reçoit le prix ‘Miroir Coup de cœur’ du festival parce que, selon le jury, «ils ont su soulever la foule d'un Pigeonnier [la salle de spectacle], qui ne s'en est pas encore remis, avec un spectacle ludique où chansons, mise en scène et esprit de communauté sont porteurs de messages engagés». Le groupe met en effet à profit cette notoriété pour, par exemple, dire quelques mots sur la cause des intermittents du spectacle lors des Francofolies de La Rochelle le 14 juillet. Un militantisme doux qui n’efface pas la musique, toujours festive.
En 2004, Tryo sort de son chapeau un double live : "De bouches à oreilles…" Le premier disque reproduit un concert à l'Olympia, le second un autre au Cabaret Sauvage, témoin de la rencontre avec les groupes Mister Gang et Les ogres de Barback.
En 2005, Tryo fête son dixième anniversaire avec une tournée de vingt dates dans les Zénith de France ainsi qu'à Bruxelles, Genève et Montréal. Les concerts, truffés de surprises, font un carton. L'acrobate Valérie Dubourg, du Cirque Plume, y fait une aérienne apparition, de même que l'animateur de télé français Karl Zéro sur un grand écran et Mathieu Chédid, qui réalise un duo virtuel avec Manu. Le tout dure trois heures et des invités comme Jacques Higelin ou Hubert-Félix Thiéfaine sont présents certains soirs.
Tryo marque une pause en 2006, le temps pour ses membres de s'adonner à leurs projets solo. Christophe Mali sort l'album "Je vous emmène", Guizmo participe aux projets Pause et Desert Rebel et Manu rejoint les Sunshiners.
Tout le monde se retrouve pour l'enregistrement et la sortie le 1er septembre 2008 de "Ce que l'on sème". Un quatrième album studio truffé de titres reggae acoustiques comme les aime Tryo, mais pas seulement. Le groupe s’est quelque peu ouvert au monde en s’inspirant des musiques indiennes, africaines ou latines sur certaines chansons. On entend des tablas indiens sur "Arhundati Roy", la voix de la chanteuse camerounaise Sally Nyollo sur "Tombé mal" ou encore des rythmes brésiliens sur "Ce que l’on sème". Les textes sont toujours aussi engagés et pédagogiques. "Abdallah" défend la cause touareg, "Tombé mal" s’attarde sur les ravages de la déforestation et "El dulce de leche" - en contant l’histoire personnelle du percussionniste chilien du groupe - s’intéresse à l’émigration et au statut de réfugié politique.
Pour parfaire cette implication dans les "bonnes causes", Tryo choisit d’accompagner ce nouveau disque d’un livret en papier éco-responsable et d’y glisser un bulletin d’adhésion à l’association internationale de défense de l’environnement, Greenpeace.
La formation part sur les routes de France donner des concerts dès le mois de septembre. Elle s’arrête au Casino de Paris du 26 au 30 novembre.
Source : RFImusique
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Dernière modification : 25/10/2011