Dan Auerbach (chant et guitare) et Patrick Carney (batterie et production) viennent d'Akron (Ohio), la capitale du caoutchouc et le berceau des cultissimes Devo, dont ils sont évidemment très fans, bien que leur musique n'a rien à voir. Lointain cousin de feu Robert Quine (ex-guitariste des Voivods et de Lou Reed), Dan Auerbach est né le 14 mai 1979 ; Patrick Carney (né en avril 1980) est le fils d'un journaliste local et le neveu du saxophoniste Ralph Carney, qui a beaucoup joué pour Marc Ribot et Tom Waits. Chez eux, on écoute donc de la musique en famille, et plus spécialement du blues, genre qui les imprègne fortement, Auerbach encore plus que Carney.
En 1996, ils fréquentent le même lycée et y font connaissance : ils découvrent qu'ils apprécient tous les deux le blues, mais aussi le répertoire de la Motown et des Stax Records. C'est surtout grâce au légendaire bluesman Junior Kimbrough que Dan Auerbarch trouve sa vocation de guitariste et de songwriter, écoutant ses chansons des journées entières, jusqu'à en négliger l'école.
Lui et Patrick Carney sont même tellement passionnés qu'ils décident vite d'arrêter leurs études et de se consacrer entièrement à la musique, écrivant des chansons et enregistrant des démos en quatre-pistes dans le garage des parents de ce dernier Carney - ils gagnent alors leur vie avec des petits boulots. Ils souhaitent au départ former un groupe complet, mais le bassiste et le guitariste qu'ils voulaient auditionner ne s'étant pas présentés au rendez-vous, ils décident de tout faire eux-mêmes en duo.
Entre 2000 et 2002, pour se faire la main, Dan Auerbach prête ses talents naissants de guitariste au groupe Barnburners, mais reste proche de Patrick Carney - le nom « Black Keys » s'imposera tout de suite à leur formation, les touches noires d'un piano étant très utilisées dans le blues. Leur premier disque, un EP, paraît sur le label Alive (sous marque de Bomp ! Records).
En 2002, c'est Fat Possum, dernier label de leur idole Junior Kimbrough, qui publie leur premier album, The Big Come-Up (où ils rendent hommage à Kimbrough, ainsi qu'aux Beatles, avec la reprise de « She Said, She Said ») et ils font leurs débuts sur scène, qui se résument selon eux à une succession de galères, presque à une catastrophe. Heureusement, Fat Possum leur laisse toute liberté artistique et ils peuvent progresser tranquillement.
Peu après s'être liés d'amitié avec l'artiste T-Model Ford, ils enregistrent en 14 heures un autre album, Thickfreakness, qui confirme les bonnes impressions qu'ils avaient laissées : leur art consommé des techniques d'enregistrement analogiques très vintage et lo-fi ainsi que leur approche puriste en font des chouchous de la presse. C'est surtout en faisant les premières parties de Sleater-Kinney qu'ils assurent la promotion de Thickfreakness, mais ils jouent aussi en lever de rideau pour Beck, avec qui ils sympathisent.
Afin de se distraire et, histoire aussi de rajouter une corde ailleurs qu'à son arc, Patrick Carney se produit avec son frère dans un autre groupe, 10% Animal, où il joue cette fois-ci de la guitare. Moins remarqué, Rubber Factory sort en 2004 : comme le nom l'indique, les séances ont eu lieu dans les locaux d'une usine de pneumatiques désaffectée - un EP était paru en tout début d'année, The Moan, avec deux de leurs chansons originales et des reprises, dont une des Stooges (le remarquable « No Fun », dans une version crasseuse peu orthodoxe et très réussie).
Fin 2005, Carney, toujours versatile, fonde avec un copain guitariste Jamie Stillman son propre label, Audio Eagle. Avec Magic Potion, en 2006, les choses deviennent plus sérieuses pour les Black Keys, puisqu'ils changent à nouveau de label, passant chez le plus important Nonesuch Records.
Toujours pied au plancher, ils voient paraître ensuite leur premier bootleg live « officiel » Live in Austin, TX et consacrent en même temps un excellent mini-album à des reprises de leur gourou occulte Junior Kimbrouth, Chulahoma. Ils sont alors choisis par Radiohead pour faire leur première partie sur une tournée américaine - après cet engagement, Patrick Carney profite d'un break pour épouser sa petite amie, la reporter Denise Grollmus.
Peu après, le duo participe à la B.O. du film I'm Not There sur Bob Dylan, en reprenant son « Wicked Messenger ». Le très hype producteur Danger Mouse (Gorillaz, Beck ou Gnarls Barkley, dont il est l'un des deux membres) entre alors en contact avec eux, souhaitant les faire enregistrer un album entier avec le monstre sacré Ike Turner : ils ne pourront hélas travailler avec celui-ci que sur trois chansons, son décès en décembre 2007 mettant brutalement fin au projet.
Néanmoins, Danger Mouse reste dans les parages et accepte de produire leur nouvel effort, pour lequel il parvient à les faire entrer dans un vrai studio. Ainsi, portés par un second souffle, ils obtiennent en mars 2008 leur plus gros succès dans Les Charts « albums » avec Attack & Release, sur lequel Marc Ribot joue quelques parties de guitare additionnelles et Jessica Lee Mayfield, une toute jeune chanteuse de bluegrass, vient chanter en duo avec Dan Auerbach.
Jusqu'à présent plus populaire aux Etats-Unis qu'en Europe, le duo continue de tourner sans s'arrêter et de prêcher son blues, Dan Auerbach et Patrick Carney n'étant apparemment pas prêts de se lasser l'un de l'autre, comme l'affirme Brothers en 2010. L'album porté par le simple« Tighten Up » remporte trois Grammy Awards et un MTV Award. En 2011, le duo désormais installé à Nashville renoue avec Danger Mouse pour le brutal El Camino, annoncé par le simple « Lonely Boy ».
Le succès monumental de l'album (disque de platine aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne) fait de The Black Keys un des grands du rock de la période. Dan Auerbach devient lui un producteur très coté, appelé par des artistes comme Ray LaMontagne ou Lana Del Rey.
En un tube absolu « Lonely boy », le groupe déjà adoré de beaucoup entrait dans toutes les têtes des masses internationales, dans leurs salons aussi où beaucoup ont essayé, sans succès probablement, de reproduire la dance cinoque du monsieur du clip, devenait un groupe taillé pour les stades, vendait ses albums par centaines de milliers de palettes en platine et récoltait au passage trois Grammy Awards. Pas rien. Mais rien qui n’ait intimidé Dan Auerbach et Patrick Carney quand il s’est agi d’offrir un successeur à El Camino. Si le plutôt bof premier extrait Fever, comme beaucoup peut-être, vous a fait lever les sourcils à la stratosphère d’étonnement voire de déception, pas d’inquiétude : le reste de l’album qui l’accompagne, nommé Turn Blue et produit encore une fois par Dangermouse, n’a pas grand-chose à voir avec cet avant-goût Bontempi. Pas grand-chose à voir non plus, en revanche, avec le Black Keys originel et son blues sec comme l’os et le nerf. Mais c’est le sens de l’histoire, par définition l’originel appartient au passé et, puisque le groupe est devenu grand, il a fait un “gros album” -comprendre par “gros” un disque pour tous, petits et grands, ayatollahs du rock et curieux du mainstream. Nettement marqué par les 70s, les 70s à fleurs, les 70s à solos, les 70s psychédéliques, les 70s abrasives, les 70s funk, les guitares 70s, les claviers 70s, Turn Blue est un album à large spectre, en montagnes russes, qui laissera peut-être sur le carreau les vieux fans mais dont les morceaux, souvent réussis et parfois tubesques, énormes comme le continent sur lequel elles sont nées, vont faire remuer les foules.
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Dernière modification : 29/06/2014