La fin des années 90 semble marquée en France par une nouvelle vague d'artistes estampillés "reggae". Ce genre né en Jamaïque dans les années 60, avait peu de chance de s'implanter dans le paysage musical hexagonal, tant la distance est grande entre cette île des Caraïbes et le pays de Molière. Pourtant, quelques irréductibles ont bravé les courants tels que la pop ou la new wave et ont profité des rythmes chaloupés du reggae pour exprimer des idées, voire des révoltes qui leurs sont propres.
Sinsemilia (du nom d'une variété de cannabis) existe depuis 1992. Composé au départ de trois amis d'enfance habitant à Grenoble et dans ses environs, le groupe se trouve au complet lorsque quelques-unes unes de leurs connaissances viennent rejoindre les rangs de ce combo chamarré. Issus de nombreuses communautés immigrées en France, les membres forment à eux tous, un melting-pot exemplaire. Il y a donc : Mike au chant, Rike au chant et à la guitare, Natty à la basse, Ivan à la batterie, Zaz aux claviers, Roukin's aux percussions et flûte, Karine et Luc au saxophone, Fafa à la trompette et Rachid au son.
Si les premiers pas du groupe ont lieu dans la chambre de l'un d'eux à reprendre des standards de Bob Marley, Sinsemilia va rapidement se retrouver sur différentes scènes que la formation va écumer pendant quatre ans dans sa région d'origine. Après ce long rodage, elle juge qu'il est temps d'enregistrer un album.
C'est chose faite en 96 avec "Première récolte" opus auto produit que Sinsemilia gère de l'enregistrement jusqu'à la distribution chez les disquaires. Les titres sont tous chantés en anglais ce qui ne l'empêche pas d'écouler l'album à quelques 40.000 exemplaires sur toute la France. Bien accueilli par le public, il l'aide ainsi à conquérir petit à petit d'autres terrains au-delà de sa région d'origine. Il passe d'ailleurs au Summum, salle la plus importante de Grenoble en mars de la même année. On ne compte d'ailleurs plus le nombre de concerts qu'il effectue à travers la France. Sinsemilia rassemble beaucoup de jeunes autour d'un discours combatif et militant contre l'intolérance, l'égoïsme, l'inégalité sociale ou la montée de certains courants politiques comme l'extrême droite.
Le groupe se produit à Paris au Bataclan en juin 97 à guichets fermés. Il passe aussi aux Eurockéennes de Belfort quelques temps après. Sinsemilia sort du circuit indépendant et signe un contrat discographique avec le label Double T Music en 98. La formation entre en studio en janvier de cette année-là pour enregistrer un nouvel album "Résistances" qui sort en mai. Cette fois, les paroles sont en français ce qui permet au groupe de mieux se faire comprendre auprès de son public. On remarque "la Flamme", titre anti-FN (Front National, parti français d'extrême droite) qui a quelques difficultés à passer sur les radios à cause du propos jugé trop politique, ainsi que "la Mauvaise réputation" reprise de Georges Brassens, dénonçant l'intolérance sous toutes ses formes.
Ce qui fait la force de Sinsemilia, c'est la scène. Le groupe se produit partout en France et donne ainsi la mesure en direct de ce qu'il sait faire. Le 27 juin 98, il se produit au Palais Omnisport de Bercy à Paris avec la crème du reggae international de Ziggy Marley à Third World.
"Résistances" se vend à plus de 200.000 exemplaires rivalisant ainsi avec les rappeurs hexagonaux sur le terrain de la contestation. Sinsemilia défend effectivement un état d'esprit, une attitude, une façon de vivre à la manière de la Mano Negra à la fin des années 80. Au-delà de la musique, les 10 de Grenoble s'inscrivent donc dans un mouvement plus large qui n'accepte pas les travers de la société française comme des faits établis.
Jusqu'à la fin de l'année 99, le groupe tourne sans cesse. De scène en scène, Sinsémilia enflamme le public. Pendant cette période, il commence à écrire quelques morceaux en vue d'un nouvel opus. Auto-produit, "Tout c'qu''on a" sort en juin 2000. De l'aveu même des auteurs, les textes sont plus matures, réfléchis. Une chanson, "Histoire de ganja" rend compte des effets négatifs de la consommation de cannabis. C'est dire le chemin parcouru depuis les débuts du groupe. Mais autant dire que la capacité de réaction à des sujets sensibles ne s'est pas amenuisée. Le militantisme est toujours présent même si les mots ne sont plus tout à fait les mêmes.
Sinsémilia a des choses à dire, mais il a aussi le sens de la fête qui passe évidemment par la scène. C'est ainsi que le groupe prépare après la sortie en France de "Tout c'qu'on a", une ouverture vers les pays européens.
On les retrouve cependant en France seulement à partir de mars 2001 pour une tournée d'une quarantaine de dates qui démarre chez eux à Grenoble. Mais tout doit malheureusement stopper net en mai pour cause de main fracturée chez un des guitaristes. Ils reprennent la route en juillet.
Fin février 2002, sort enfin l'album live du groupe : "Sinsemilia part en live", treize titres très attendus par les fans. Ce CD a été enregistré chez eux à Grenoble lors de l'anniversaire de leur 10 ans d'existence.
Après cette "célébration", les Sinsemilia s'accordent une pause. Riké en profite pour sortir un album solo "Air Frais" en 2003.
Quelques mois plus tard, le groupe entre en studio à Grenoble. Ils enregistrent alors ce qui sera leur prochain album. "Debout, les yeux ouverts" sort en octobre 2004. Il n'est plus question d'hurler ce qui les scandalise mais de traiter les sujets avec ironie. Toujours revendicatif, le groupe ne lâche pas les questions politiques ou de société qui leur sont chers : "Bienvenue en Chiraquie", "Plus de flics" ou "Simple d'esprit". D'un point de vue musical, quelques aménagements ont été opérés : Fafa a abandonné sa trompette pour la guitare, voire même les claviers. Olivier, musicien grenoblois, est venu grossir les rang de la section cuivre.
Dès le mois de novembre, le combo reprend la route et se produit de nouveau sur les scènes hexagonales.
La bande de Grenoblois, adepte du ragga festif, est de retour, avec un membre de plus, Olivier, qui s’insère dans la section cuivres. Le groupe (désormais onze membres) continue à développer une musique colorée, certes, mais n’oublie pas pour autant d’avoir des idées. Et notamment en matière de politique (Bienvenue en Chiraquie ou encore + 2 flics, titre sur Nicolas Sarkozy, qui, selon le groupe, « écrivait lui-même la chanson tous les jours à la télé »). Un regard acerbe sur la société, qui n’empêche pas des notes d’espoir (comme dans Tout le bonheur du monde, dédié aux générations futures). Clin d’œil à Noir Désir, Sinsemilia reprend Marlène (présent sur « Tostaky ») dans une version originale, guitare sèche et violons.
Enregistré dans leur studio à Grenoble, ce nouvel album sent les copains et l’artisanat, dans le bon sens du terme, lorsque celui-ci permet d’offrir plus de cœur.
Source : RFImusique
Biographie fournie par : Webmaster ABC-TABS
Dernière modification : 11/10/2011