Certains succès se bâtissent parfois sur des échecs. L'échec originel dont il est question, c'est celui de deux étudiants souhaitant intégrer le Conservatoire National du Mexique en vue de suivre un cursus classique. Premier échec, mais surtout première rencontre lorsque les deux rejetés font connaissance entre les murs de la maison de la culture de Mexico, alors refuge de tout ce que la capitale aux nombreux barrios compte d'artistes plus ou moins undergrounds et oeuvrant dans le vaste domaine de la contre-culture.
Car s'il est vrai que le Mexique, et, dans une moindre mesure, l'Amérique latine restent associées au flamenco, à la salsa, à la rumba, au paso-doble et au tango dans les imaginaires européens et nord-américains, les années 1980 et 90 n'en comptèrent pas moins leur scène alternative communiant dans l'amour du punk, du hard rock et du heavy metal. Une scène qui n'a guère percé à l'international, étouffée qu'elle fut par les grosses machines venues de l'autre côté du Rio Grande, mais qui eut tout de même le mérite d'exister.
En dépit d'un apprentissage de la guitare très classique et marqué par le flamenco et la salsa, Rodrigo y Gabriela entament leurs débuts au sein de Tierra Acida, l'un des nombreux groupes de métal qui font vivre alors la nuit mexicaine. Perfectionnistes, les deux futurs duettistes confessent des répétitions quotidiennes de cinq ou six heures consécutives afin d'égaler leurs idoles : Led Zeppelin, Black Sabbath ou encore Metallica.
Individuellement, Rodrigo Sánchez et Gabriela Quintero disposent chacun d'un bon niveau d'expérience, acquise au sein de nombreux groupes amateurs avant de se retrouver au sein de Tierra Ácida. Le premier était alors batteur du groupe Castlow, tandis que la seconde a fait partie des groupes féminins Subterraneo, Las Brujas et Las Formigas. Tout en se produisant dans les nombreux clubs de la ville avec le groupe Tierra Ácida, Rodrigo Sánchez et Gabriela Quintero prennent en parallèle des cours de musique afin d'approfondir leur maîtrise de la guitare et d'améliorer leur style.
S'ils cherchent à marcher sur les pas de leurs glorieux aînés de Norte America, Tierra Acida ne se veut pas pour autant une simple décalque régionale des grandes formations de métal qui tiennent alors le haut du pavé sur la scène internationale. Métalleux, certes, mais mexicains avant tout. De fait, les influences locales, et notamment celles inspirées du flamenco et de la guitare sèche se retrouvent fréquemment dans les prestations du groupe, tenu à bouts de bras par les duettistes.
Stylistes de la guitare rythmique et musiciens hors pairs, Sanchez et Quintero n'en assistent pas moins à la fin de Tierra Acida, noyé sous le déferlement des produits culturels venus des Etats-Unis car l'omnipotence des majors du disque, dont l'influence s'étend sur toute l'Amérique du Sud empêche le développement d'une vraie scène locale.
À l'aube des années 2000, Rodrigo y Gabriela fondent leur duo scénique, doté du fort juste patronyme de Rodrigo y Gabriela. Un homme, une femme, telle est l'originalité du duo qui laisse au vestiaire les accents électriques du métal pour se concentrer sur des rythmes plus traditionnellement associés au monde latino-américain.
Deux guitares sèches en guise d'instruments, Rodrigo y Gabriela semblent avoir abandonné les batteries, basses et claviers de Tierra Acida pour revenir à leurs racines flamenco. Mais, alors qu'on aurait pu légitimement s'attendre à les voir se produire dans un barrio de Tijuana ou une favela de Brasilia avant d'être repérés par un Manu Chao en goguette qui leur aurait proposé d'animer la première partie d'une tournée sud-américaine, c'est au contraire vers le Vieux Continent que le duo s'envole.
Rodrigo y Gabriela s’arrêtent brièvement au Danemark et en Espagne avant de s’installer à Dublin. Et c'est sur la terre ancestrale des druides, des leprechauns, de U2 et The Pixies que le tandem s'attelle à la composition d'un premier album, Re-Foc, sortant en 2002 et devenant dans la foulée un énorme succès à travers toutes les îles Britanniques. Car loin de se contenter de pasticher le flamenco de leur enfance, Rodrigo y Gabriela n'ont pas manqué de citer toutes les influences, du rock 'n' roll au jazz en passant par le heavy metal (du heavy metal joué sur deux guitares sèches !) et le folk celtique.
Relecture de diverses traditions musicales à travers le prisme de la world fusion sur un rythme effréné, la sortie de Re-Foc est l'un des événements musicaux de l'année à travers tout le Royaume-Uni, consacrant ces deux musiciens mexicains comme les nouvelles coqueluches de la perfide Albion.
Une grande tournée s’ensuit en Irlande et au Royaume-Uni où Rodrigo y Gabriela jouent avec Courtney Pine, Buena Vista Social Club, Murray Lachan Young et Damien Rice.
Multipliant les prestations scéniques et les concerts au cours desquels ils produisent leurs albums (toute leur production est quasiment enregistrée en live), Rodrigo y Gabriela sortent leur deuxième album en 2004, regroupant plusieurs sessions d'enregistrement en public à Dublin et Manchester.
Plébiscité dans le Royaume-Uni, le duo connaît également un petit succès aux Etats-Unis et dans le monde Scandinave. En revanche, l'espace latin semble relativement indifférent à leur style en dépit de quelques concerts mémorables, notamment à Paris.
Dès lors, c'est John Leckie (producteur, entre autres, de Radiohead, John Lennon ou Simple Minds) qui choisit de les coacher pour les besoins de Rodrigo y Gabriela, leur troisième album qui sortira en Février 2006 et qui les voit reprendre d'une manière étonnante le fameux « Stairway To Heaven » de Led Zeppelin ou « Orion » de Metallica à la guitare sèche et aux percus traditionnelles.
Rodrigo y Gabriela enchaîne par la suite les tournées internationales ainsi que les prestigieux festivals, dont le festival de Glastonbury, le Bonnaroo Music and Arts Festival aux States, le festival Pukkelpop en Belgique ou encore le festival Lowlands aux Pays-Bas. Parmi les concerts les plus notables, on cite une tête d'affiche partagée avec Muse au Wembley Stadium, en juin 2007.
Creuset étonnant de culture latino et de sons rock'n'folk venus du folklore irlandais, Rodrigo y Gabriela est d'autant plus surprenant que le son coule très naturellement et de manière fluide pour parvenir à un résultat authentiquement bluffant, établissant le premier pont culturel d'importance entre Dublin et Mexico.
Un pont qui ne peut que s'étendre jusqu'au Pays du Soleil Levant qui, en 2008, leur fait un accueil triomphal pour la tournée du duo à Tokyo. Leur échec à l'entrée du conservatoire de Mexico est, depuis longtemps, largement digéré.
En 2009, le duo se consacre à la relecture de classiques du rock (Led Zeppelin, Pink Floyd, Jimi Hendrix, Pantera) à sa façon latine, acoustique et instrumentale, avec l'aide d'Alex Skolnick du groupe de metal Testament. Il en résulte l'album 11:11 enregistré entre l'Irlande et le Mexique et paru en septembre de la même année. L'album a été mixé entre l'Irlande et Londres par Colin Richardson, connu pour son travail avec Slipknot et Trivium. 11 compositions originales inspirées de 11 des plus grands artistes de la seconde moitié du XX eme siècle (Carlos Santana, Pink Floyd, Jimi Hendrix, Paco de Lucia, John Mc Laughlin, ... ) On retrouve des invités tels qu'Alex Skolnick (Testament) ainsi que le légendaire duo de guitaristes Strunz & Farah.
Dans la foulée, le duo embarque pour une tournée mondiale étalée sur deux ans, jouant devant des foules impressionnantes dans chaque partie du globe. Il est notable que le groupe n'a pas de batteur : en effet, Gabriela emploie une technique de jeu lui permettant de jouer les percussions sur le corps de sa guitare en même temps que la guitare rythmique, en alternant avec la main droite le grattage des cordes et les coups de percussions. En 2011, ils participent à la bande originale du film Pirates des Caraïbes : La Fontaine de Jouvence, en accompagnement sur les morceaux du compositeur Hans Zimmer1.
Attraction des festivals, Rodrigo y Gabriela qui jouent désormais debout, font le plein en France où est enregistré leur troisième album en public, Live in France, sorti en juillet 2011.
Source : Music-Story
Biographie fournie par : Webmaster ABC-TABS
Dernière modification : 30/08/2011