Rien n'y fait : les artistes comme Maxime Le Forestier restent fidèle à ce qu'ils sont. Ils surfent sur la vague du succès ou de l'oubli mais leur travail est toujours authentique et profondément personnel. Celui qu'on a vu contestataire au début des années 70 est devenu quelques décennies plus tard, un homme tranquille, toujours accompagné de sa guitare comme le fut son aîné et modèle, Georges Brassens.
Maxime Le Forestier est né à Paris le 10 février 1949 d'un père anglais d'origine normande et d'une mère, Geneviève (dite Lili), adaptatrice en français de séries télévisées anglo-saxonnes et surtout véritable mélomane qui inculque à ses enfants le goût de la musique. Les deux sours de Maxime, Anne et Catherine sont ses aînées de six et trois ans. Les trois enfants reçoivent une éducation musicale classique; le jeune Maxime commence donc rapidement à apprendre le violon et l'étudie jusqu'à l'âge de dix ans. Il poursuit sa scolarité dans un collège religieux jusqu'à la classe de troisième. Il entre ensuite au lycée Condorcet à Paris. Ses études littéraires ne sont pas brillantes et à la fin de la classe de Première, il est "viré" pour indiscipline.
Entre temps, sa mère lui offre un disque de Georges Brassens, qui représente pour lui une bouffée d'air frais par rapport à la musique classique dans laquelle il baigne. A l'âge de quinze ans, il s'achète une guitare, apprend les rudiments de l'instrument et commence à se produire épisodiquement au marché aux puces de Saint-Ouen en banlieue parisienne, au café "Chez Louisette". Il est bientôt rejoint en 65 par sa soeur Catherine. Ils forment tous les deux le duo Cat et Maxime. Jusqu'en 69, ils tournent dans les cabarets de la rive gauche finissante, reprenant le répertoire des américains Peter Paul and Mary. Dans le même temps, ils rencontrent Georges Moustaki avec qui ils se lient d'amitié. Celui-ci leur donne la possibilité de chanter ses propres chansons comme "Ma liberté" ou "Ma solitude", qu'ils sont quasiment les premiers à reprendre.
De ce duo familial, restent deux 45 tours enregistrés chez Barclay. Puis Catherine rejoint Moustaki et devient sa choriste. Maxime de son côté commence à écrire et propose à Serge Reggiani la chanson "Ballade pour un traître". Mais en 69, Maxime est appelé sous les drapeaux, dans un régiment de parachutistes. Il y mène une double vie : dans la journée, il est militaire, son temps libre est consacré à la chanson : il enregistre deux 45 tours en solo, "Coeur de pierre, face de lune" et "Concerto sans frontières" pour la maison de disques Festival.
>> Libéré des obligations militaires en septembre 70, il part à Marseille avec Catherine pour jouer dans la comédie musicale "Oh ! America" mise en scène par Antoine Bourseiller, et dont il a composé la musique. Après cette expérience, il sillonne les Etats-Unis, en pleine époque hippie. Il vit quelques temps dans une communauté à San Francisco avec sa soeur Catherine. Revenant de son périple américain, il enregistre un 45 tours chez Polydor "Mon frère" et "l'Education sentimentale", suivi quelques mois plus tard de "San Francisco" et "Ça sert à quoi". Entre l'influence de Brassens et celle de la folksong américaine portée essentiellement par Bob Dylan, Le Forestier jette à ce moment-là (sans le savoir), les bases de la chanson contestataire des années 70 en France.
La reconnaissance publique et le succès n'arrivent véritablement qu'un an plus tard, quand sort l'album éponyme qui reprend les 45 tours auxquels s'ajoutent d'autres titres dont "Parachutiste". En octobre, il fait la première partie du récital à Bobino de Georges Brassens. Le triomphe du jeune homme augure d'une nouvelle génération de chanteurs, anti-conformistes et héritiers de la révolte de 68.
L'année 73 est marquée par la sortie du second album dans lequel on trouve "le Steak ou la complainte de ceux qui ont le ventre vide, considérée comme une gaudriole par ceux qui ont le ventre plein" ou "Février de cette année-là" ou encore "Entre quatorze et quarante ans". Le disque est aussi bien accueilli que le précédent, ce qui lui permet de triompher à l'Olympia lors de deux Musicoramas, (émission de radio retransmise depuis la salle de spectacle). Un enregistrement public sort un peu plus tard (74). Fin 74, il donne une série de concerts au théâtre de la Ville et au Palais des Sports qui constituent une véritable consécration pour le jeune artiste. Son public est jeune. Ouvriers ou étudiants, ils forment le plus gros des spectateurs, applaudissant à tout rompre des chansons devenues au fil du temps des classiques de la chanson française, telle l'"Education sentimentale".
Parti en tournée avec deux musiciens (Alain Le Douarin et Patrice Caratini) et un technicien, Maxime Le Forestier met en application ses principes humanistes et impose un prix des places très bas (10F) ce qui déclenche quelques mécontentements dans le métier qui y voit une concurrence déloyale.
En 1975, il sort un nouveau 33 tours avec notamment le titre "Saltimbanque". Ecrit durant la tournée précédente, ce nouvel album est pour lui une façon de rappeler qu'il n'est que ce qu'il chante, répondant ainsi aux critiques de démagogie lancée de tous côtés. Par ailleurs, les radios et télévisions semblent réticentes à programmer cet artiste un peu dérangeant, car souvent engagé (on se souvient d'un concert de soutien aux prisonniers chiliens avec Léo Ferré en juin 74). Le public ne connaît Maxime Le Forestier que par ses disques et ses récitals qui affichent complet : pour preuve, quelques quatre mille personnes viennent l'applaudir chaque jour au Palais des Congrès à Paris, pendant trois semaines en mars 75.
En janvier 76, il s'embarque pour une tournée spéciale de quatorze dates en URSS. Prenant pour l'occasion des cours de russe, il peut ainsi annoncer les thèmes de ses chansons dans la langue de Tolstoï. Il a un peu tendance à idéaliser les pays de l'Est, et revient de sa tournée perplexe. Mais sa rencontre avec le chanteur Vladimir Vissotski (dont il adaptera par la suite des chansons) lui laisse un merveilleux souvenir.
S'il continue à tourner en France, en Suisse et en Belgique, il enregistre un quatrième album lors de l'été 76 qui va être marqué par une légère désaffectation du public. Maxime Le Forestier commence à ressentir les effets pervers de son étiquette de chanteur engagé qui dorénavant lui pèse. Il s'éloigne donc des sujets qu'il avait l'habitude d'aborder et déroute son public. Du "Fantôme de Pierrot" véritable chanson fleuve à "Blues blanc pour un crayon noir", le propos est plus pessimiste, rempli de désillusion. A la suite de la sortie de l'album fin septembre, il enchaîne sur une belle aventure scénographique. Tout le mois d'octobre, il donne un spectacle au Cirque d'Hiver à Paris, mis en scène par le comédien Philippe Avron, avec la participation de dix musiciens, un mime et une jongleuse. Cette entreprise réussie, il s'envole pour le Canada et termine l'année de l'autre côté de l'Atlantique.
Parti en voyage toute l'année suivante notamment aux Etats-Unis, il revient en 78 avec un nouvel album "n°5". Enregistré au Québec et dans le sud de la France, ce nouvel opus résulte de ses voyages et de la rencontre avec le musicien François Cousineau, compositeur de Diane Dufresne, avec qui il va entreprendre un passage de l'instrumentation acoustique à l'instrumentation électrique. Dérouté de ne plus retrouver le barde post soixante-huitard, le public n'accroche plus comme avant. Le Forestier réussit tout de même à remplir l'Olympia du 14 au 26 novembre 78.
Etrangement, il va l'année suivante, revenir aux sources en sortant un album enregistré en public les 23 et 24 avril à la Gaîté-Montparnasse à Paris dans lequel il reprend des chansons de Georges Brassens en compagnie de ses deux anciens complices, Caratini et Le Douarin. Fin 79, il part avec ce spectacle en tournée en France et en Belgique.
S'il commence l'année 1980 en donnant en compagnie de sa soeur Catherine et du néo-zélandais francophone Graeme Allwright, deux concerts au profit de l'association Partage avec les enfants du Tiers-Monde, il sort aussi un nouvel album original "les Rendez-vous manqués". Le guitariste Gérard Kawczynski, dit Crapou et le batteur Jean Schultheis apportent leur contribution artistique et donnent à Maxime la possibilité de développer son talent dans un univers musical un peu différent, toujours un peu noir. Sur cet album, il retrouve aussi son ami Kernoa avec qui il n'a pas travaillé depuis cinq ans.
Très à l'aise sur la scène, il tourne beaucoup et en cette année 82, il se produit en Algérie, en Nouvelle-Calédonie, au Liban et bien sûr en France et en Belgique. La tournée se poursuit jusqu'en octobre 83, date à laquelle il investit Bobino pour un spectacle particulier, quasiment d'avant-garde. Quatre jeunes musiciens entourent le chanteur; un informaticien pilote six synthétiseurs donnant ainsi au spectacle un côté expérimental que le public ne comprend pas forcément.
Le fossé entre l'artiste et le public se creuse d'autant plus que le disque sorti cette année-là, "Des jours meilleurs", ne convainc personne même si la chanson qui donne le titre à l'album est très belle. (Elle sera reprise quelques années plus tard par d'autres artistes lors d'un concert de Sol en Si et sera un grand succès alors).
Après avoir vendu des milliers d'albums (dont un million et demi d'exemplaires du premier), Maxime n'est plus le chanteur à succès des années 70. Il s'avère même que les années 84 et 85 sont difficiles pour lui. De là une formule de tournée simplissime avec lui et un guitariste solo, Jean-Felix Lalanne la plupart du temps. Ils se produisent un peu partout en Europe et en Afrique.
Il faut attendre 1986 avant la sortie d'un nouvel album "Aftershave". Celui-ci passe à peu près inaperçu.
Si le show biz le déclare prématurément perdu ou "has been", Maxime Le Forestier renaît de ses cendres en 88 tel le Phoenix. Un 45 tours est à l'origine de son retour. "Né quelque part" est un hymne à l'égalité et à la tolérance, écrite en collaboration avec son complice Jean-Pierre Sabar. La phrase clé est traduite en langue zoulou et interprétée dans les choeurs par une chanteuse sud-africaine, Aura. Le disque fait un tabac.
En France, la scène world music se développant, le public est très réceptif aux oeuvres mêlant des sonorités, rythmes et langues différents. L'accueil enthousiaste du single permet la sortie d'un album en octobre 88. Le deuxième titre du 45 tours s'intitule "Ambalaba", chanson en mauricien signée par Claude Verraerago. Le succès est confirmé. Il vendra quelques 600.000 exemplaires de l'album.
A partir du 24 janvier 89, Maxime donne une série de concerts triomphaux au Bataclan à Paris pendant trois semaines (un disque live sortira un an plus tard). Il enchaîne ensuite avec une tournée provinciale. Le tournant opéré avec ce disque et le succès revenu nous offrent l'image d'un artiste mature, qui a roulé sa bosse et pris aussi beaucoup de recul par rapport au métier qu'il exerce.
S'il ne renouvelle pas l'exploit de l'album précédent, il propose avec "Sagesse du fou" en novembre 91 une nouvelle déclinaison de sa vision de la vie. Un magnifique duo avec Michel Rivard "Bille de verre" précède "Avant la tornade" plus sombre. Les concerts qui suivent, obtiennent tout de même un grand succès et notamment l'Olympia à Paris, en 92.
Après une période de relatif repos (quelques dates de-ci de-là), Maxime sort un nouvel opus "Passer ma route" en juin 95 (le titre de la chanson qui donne son nom à l'album sera récompensé par l'Octave de la chanson française décernée par Radio France Internationale). Enregistré à Paris, il s'agit en fait d'une invitation au voyage et à l'évasion. Quelques artistes sont venus lui prêter main forte : Zouk Machine, Vanessa Paradis qui assure les choeurs du simple "Chienne d'idée", le groupe de musique tzigane Bratsch; et les jazzmen Didier Lockwood et Richard Galliano. Les textes sont signés Maxime Le Forestier avec la collaboration de Boris Bergman, parolier célèbre. La reprise de la "Petite fugue" que chantait auparavant sa soeur Catherine, est une véritable perle. Dix chansons du disque (sur les douze) sont interprétées par l'artiste lors de son passage à l'Olympia à Paris en janvier et février 96. Mais ce sont les premières chansons ("San Francisco", "l'Education sentimentale") qui récoltent le plus d'applaudissements. Nostalgie de l'époque "baba cool" et des valeurs "hippie".
Véritable port d'attache dans la carrière de Maxime Le Forestier, Georges Brassens est toujours pour lui une source d'inspiration. En septembre 96, sort donc un deuxième album de chansons du Sétois chantées par son meilleur disciple. La formule est sobre, guitare et voix. Le résultat, chaleureux. Quinze ans après la mort de Brassens, Maxime reprend les titres que celui-ci n'a pas vraiment eu le temps d'interpréter. Ce bel hommage se prolonge par une série de concerts dans des petites salles comme le Sentier des Halles à Paris. En 97 et 98, il continue les tournées Brassens qui remportent un énorme succès. Sort même en avril 98, un coffret de quatre CDs reprenant la quasi-totalité du répertoire du chanteur sétois chanté par Le Forestier, avant deux concerts au Casino de Paris les 12 et 13 juin et une nouvelle tournée qui semble ne plus finir.
A l'automne 99, il reprend une nouvelle tournée de quelques mois, "Tour de Chauffe", en duo avec le guitariste Jean-Félix Lalanne. Début 2000, il participe à la tournée des Enfoirés, nom du collectif de chanteurs qui unissent leurs voix au profit des Restaurants du cour.
Si Maxime Le Forestier a dans les années 80 subi une traversée du désert, comme l'a si bien remarqué la presse, il est devenu au cours des années 90, le chanteur "sympa" prêt à s'investir dans des causes dites humanitaires, comme en témoignent ses diverses participations aux concerts Sol en Si (lutte contre le Sida) ou Restos du Coeur (soutien aux plus démunis). Si ses derniers engagements sont moins radicaux que ceux des années 70, ils n'en restent pas moins tout à fait louables et confèrent à ce père de famille une respectabilité qui dépasse le cadre de la chansonnette.
Après cinq années presque entièrement consacrées à Brassens, Le Forestier revient à son propre répertoire en novembre 2000 via un nouvel album, "l'Echo des Etoiles". Ecrit ici et là, au cours de voyages, l'album comprend douze textes dont la plupart sont signés Boris Bergman. Le Forestier interprète également une chanson écrite par l'écrivain et homme politique Jean-François Deniau pour Lounès Matoub, le chanteur kabyle assassiné avant d'avoir pu la chanter. En 2001, le chanteur entame, avec le guitariste Jean-Félix Lalanne, une tournée nommée d'abord "Sans tambour ni trompette", puis renommée "Plutôt Guitare". A deux guitaristes (et parfois quatre au cours du récital avec Manu Galvin, François Ovide ou Michel Haumont), ils offrent une relecture du répertoire de l'artiste. La tournée se prolonge jusqu'à l'été 2002.
Il faut attendre l'année 2004, pour voir réapparaître Maxime Le Forestier dans le paysage médiatique français. En effet, après de nombreuses tournées qui l'ont mené jusqu'en Afrique, l'artiste s'est penché sur l'écriture d'une comédie musicale. Elie Chouraqui à qui l'ont doit en particulier "les Dix commandements", monte cette fois-ci "Gladiateur". Il confie la musique à Maxime qui appréhende ce travail comme une nouvelle aventure. Les premières représentations ont lieu en octobre.
Source : RFImusique
Biographie fournie par : Webmaster ABC-TABS
Dernière modification : 07/10/2011