Artiste énigmatique, ancré dans ses montagnes natales du Massif central, Jean-Louis Murat a un parcours douloureux et troublant dont ses chansons se font l'écho plaintif et poétique.
Jean-Louis Bergheaud naît le 28 janvier 1954 à la Bourboule, petite station thermale dans le Massif Central. Fils de divorcés, Jean-Louis passe beaucoup de temps chez ses grands-parents dans une ferme isolée à Murat-le-Quaire, village auvergnat dont l'artiste adoptera le nom quelques années plus tard. C'est là qu'il acquiert un goût certain de la terre et du monde paysan qui surgira souvent au travers de son travail.
Dès ses 7 ans, il apprend la musique au sein de l'Harmonie municipale à laquelle appartient déjà son père, menuisier et musicien à l'occasion. Du cornet à piston au saxophone ténor, l'enfant développe un certain talent pour les instruments, ce qui le mène tout naturellement au Conservatoire le plus proche. Là, durant toute son adolescence, il acquiert une sérieuse formation musicale. Jeune homme solitaire, il est féru de poésie classique et de littérature romantique et tourmentée, de André Gide à DH Lawrence. A 15 ans, un professeur d'anglais lui ouvre des horizons musicaux, essentiellement orientés vers le jazz et le rhythm'n'blues. Grâce à lui, Jean-Louis continue ses études contre l'avis paternel. Arrêter l'école jeune et travailler à la ferme était un destin tout tracé pour l'adolescent, qui finalement devient le premier bachelier de sa famille.
A 17 ans, Jean-Louis se marie et devient père. Il s'inscrit en fac à Clermont-Ferrand, mais le virus du voyage et du dépaysement le rattrape. Il divorce et part. Commence alors quelques années d'errance entre Paris et les stations à la mode, où il exerce des petits boulots : plagiste à Saint-Tropez, moniteur de ski à Avoriaz. Vers 1977, il se lasse de cette vie et décide de se consacrer sérieusement à la musique. Il rentre dans son Auvergne natale qu'il ne quittera plus. Naît alors le groupe de rock Clara, son unique (et brève) expérience collective. Il y chante, joue du saxophone et de la guitare. Et surtout écrit. William Sheller, intéressé par le travail du groupe, les engage un temps comme musiciens.
Si l'expérience Clara n'aboutit pas, elle permet cependant à Murat d'enregistrer un 45 tours solo qui sort en 1981 sur le label EMI : "Suicidez-vous, le peuple est mort". Le titre seul suffit à le faire remarquer par la critique. Mais le public ne suit pas du tout. De plus, la station de radio Europe1 censure le morceau. Murat situe d'emblée son répertoire dans un registre sombre et romantique, désespéré et poétique. En 82, sort un album de six titres, "Murat". Puis un album à part entière en 84, "Passion privée". Mais rien à faire, le chiffre des ventes reste désespérément faible proportionnellement au tirage d'à peine 1000 exemplaires. En dépit d'une tournée avec Charlélie Couture, le contrat de Jean-Louis Murat est rompu.
En 1985, il enregistre pour CBS, mais rien ne sort. On n'entend plus parler de lui de 84 à 87. Il s'isole trois années durant chez lui, en Auvergne en faisant régulièrement des voyages à Paris pour tenter, en vain, de trouver une maison de disques. Déprimé et à bout de souffle, il lui faut du temps avant de reconstruire son travail.
En 1986, ce sont les anglais du label Virgin qui s'intéressent à lui. Un contrat est signé et en 1987, sort "Si je devais manquer de toi", un 45tours qui propulse Murat au devant de la scène musicale. Le titre est un succès public. Succès confirmé par les 100.000 exemplaires vendus de l'album, "Cheyenne Autumn", qui sort en 1989. Album de la renaissance, ce disque un peu glacé et tout en ambiances, rassemble certains des plus beaux titres de Murat ("l'Ange déchu"). L'année suivante, sort un mini album original, "Murat en plein air", dans lequel Murat rend hommage au monde paysan. Dans une vidéo superbe filmée en Auvergne, on voit le chanteur interpréter quelques-uns des titres dans une chapelle du XIIème siècle, Notre Dame de Roche-Charles. Tout l'amour de Jean-Louis Murat pour sa région d'origine, pour la tradition paysanne et pour la nature en général transparaît dans ces quelques images.
Murat est désormais un artiste reconnu et apprécié. En 90, le cinéaste Jacques Doillon lui offre un rôle au cinéma dans "La vengeance d'une femme", avec Isabelle Huppert et Béatrice Dalle.
Il se passe un an et demi entre l'enregistrement de l'album "le Manteau de pluie" en 90 et sa sortie à l'automne 91. Considéré par certains comme son plus bel album, "le Manteau de pluie" explore divers horizons : la poésie japonaise ("le Manteau de pluie du singe"), le Brésil ("le Mendiant à Rio"), la montagne ("Col de la Croix Morand"), l'amour ("le Lien défait"). Après les synthés de "Cheyenne Autumn", Murat renoue avec les guitares, et la batterie tenue par Neil Conti du groupe anglais Prefab Sprout.
En 1991, Jean-Louis Murat enregistre un duo avec Mylène Farmer, "Regrets", qui donne lieu à un clip tourné sous la neige en Hongrie.
Enregistré en six jours, l'album "Venus" sort en octobre 1993. C'est cette année-là que Murat se lance pour la première fois dans une véritable tournée. Monter sur scène n'est pas un exercice facile pour le chanteur qui a tardé avant de se décider. Avec six musiciens recrutés par petites annonces, Murat entame les répétitions dans un petit théâtre de Vichy. La tournée démarre en Auvergne, au Puy-en-Velay, le 10 novembre et prend fin huit mois plus tard en juillet 94. Les trois concerts qu'il donne à Paris, à la Cigale, les 16, 17 et 19 décembre 93 donnent lieu à un album live, "Murat live", qui se fait l'écho du dépouillement musical de ses prestations scéniques. Il est certain que ce n'est pas sur scène que Murat est le plus épanoui, et si un public fidèle se presse à ses concerts, le contact n'est pas toujours des plus évidents entre l'artiste et la salle.
Outre des extraits de la tournée, l'album live présente aussi la musique que Murat a écrit pour le film de Pascale Bailly, "Mademoiselle Personne". Son écriture particulière séduit d'autres chanteurs, et non des moindres, puisqu'il est l'auteur de titres pour Johnny Hallyday, Jeanne Moreau et ...Sylvie Vartan. Cependant, seule cette dernière enregistre finalement deux titres en 96. En 90, il avait déjà écrit "le Verrou" pour Julien Clerc. Fan de musique lui-même, Murat participe à de nombreux hommages discographiques : hommage inattendu à Joe Dassin, à son idole de toujours Leonard Cohen ou à Gérard Manset, à qui Murat fut comparé dès ses débuts.
Sorti le 16 septembre 1996, "Dolorès" est sans doute le plus gros succès public de Jean-Louis Murat. Pourtant, il le considère comme un album mineur, un album de transition. En écho à une rupture sentimentale, Murat présente cette fois un septième album aux relents trip hop, tendre et mélancolique, moins obscur que d'habitude. Un an après une sortie très médiatisée, l'album donne lieu à une tournée confidentielle de quelques salles dont le Théâtre du Musée Grévin à Paris en octobre 97. Seul sur scène avec Denis Clavaizolles aux claviers, Murat, toujours aussi peu à l'aise sur scène, présente un spectacle au dépouillement total et dont la seule fantaisie tient dans des images de l'Auvergne projetées en fond de plateau. A la fois séduit et désarçonné, le public est cependant toujours au rendez-vous. La tournée 97 donne lieu à un live "Live in Dolores" qui sort en avril 98.
Si le contact avec le public est difficile depuis la scène, Murat crée en 98 son propre site Internet dans lequel l'artiste se dévoile timidement à travers la littérature, les vaches et la recette de la potée auvergnate (excellente!). Un peu ermite, Murat n'en est pas moins concerné par le monde qui l'entoure et son implication dans de nombreuses luttes n'est pas feinte. Militant depuis longtemps au sein d'Amnesty International, il prend aussi fait et cause pour les Kurdes et pour l'enfance maltraitée.
En août 99, il réapparaît avec un nouveau disque, "Mustango". Ce titre fait allusion au Mustang, petit royaume du Tibet, allusion qui marque aussi une certaine métamorphose du personnage. Loin de la dépression auvergnate déconnectée du monde, Murat nous revient avec des titres ancrés solidement dans l'actualité la plus violente ("Belgrade") ou l'intolérance ("Les Pédés"). Il adopte une attitude plus positive. Il va de l'avant. Son site internet change dans la foulée et laisse les vaches pour la peinture, les images d'Auvergne pour celles des Indiens d'Amérique ou des contrées tibétaines.
C'est aux Etats-Unis que le chanteur est allé enregistrer "Mustango". Il a séjourné ainsi de longs mois à New York et Tucson, en Arizona, et s'est entouré d'une équipe américaine comme le duo texan au son bien particulier, Calexico. En revanche, Denis Clavaizolle est toujours là mais uniquement à la production.
Le 12 octobre, Jean-Louis Murat entame une de ses plus longues tournées entouré de trois musiciens, Alain Bonnefont, Régis Oomiak et bien sûr, Denis Clavaizolle. En novembre, il s'installe trois jours au Trianon avant de clore la tournée 99 le 17 novembre. Dès février, il repart jusqu'aux festivals de l'été 2000. A l'automne, sort l'album live de cette tournée, "Muragostang".
Moins de deux ans après "Mustango", Jean-Louis Murat sort un album étrange, "Madame Deshoulières" inspiré de textes du XVIIIème siècle écrits par une jeune femme née en 1638, Antoinette Deshoulières. Sur une partition qui mêle la modernité musicale du chanteur et une partie baroque composée par Daniel Meier, c'est la comédienne Isabelle Huppert qui dit les poèmes donnant une dimension singulière à cette œuvre à part dans son répertoire.
De son propre aveu, le chanteur pourrait sortir deux albums par an. Prolixe, Murat propose donc un nouvel opus en mars 2002, "le Moujik et sa femme", soit 11 morceaux en moins de 50 minutes. Très loin du registre de "Madame Deshoulières", le voici maintenant sur la voie de la chanson populaire : une écriture concise, sans façon, un format traditionnel couplet/refrain et quelques airs qu'on peut chantonner. Pour renforcer l'idée de la simplicité, il fait appel à une petite formation constituée de deux jeunes musiciens, le bassiste Fred Jimenez (membre du groupe de Bertrand Burgalat, A.S. Dragon) et le batteur Jean-Marc Butty. Le premier simple extrait de l'album s'intitule "l'Au-delà".
Début avril, le chanteur démarre une tournée française qui passe par le festival de Bourges le 11 avril et le mène jusqu'en juin.
De plus en plus prolixe, Jean-Louis Murat n'attend pas la fin de l'année pour recommencer à écrire des chansons. En fait, cet écriture intervient en même temps que de nombreuses autres activités artistiques qui se nourrissent les unes des autres : peinture, dessins, poésie, journal et correspondance. Dès février 2003, il entre en studio et c'est ainsi que "Lilith" peut sortir en août. Cet album contient vingt trois morceaux, enregistrés avec son complice le bassiste Fred Jimenez et le batteur Stéphane Reynaud, les deux musiciens de la tournée qui suit. Ce trio rock mène les compositions de Murat vers le terrain de ceux qu'il admirent, Neil Young et consort. Très inspiré, Jean-Louis Murat cisèle comme de coutume, des textes parfois sombres mais toujours emprunts de poésie. Le premier extrait de ce double album s'intitule "Le cri du papillon".
A peine sorti son DVD "Jardin d’acacia" début 2004, Jean-Louis Murat entraîne son bassiste Fred Jimenez et de la chanteuse d'Elysian Fields, Jennifer Charles, dans une nouvelle aventure : un disque signé à trois, "A bird on a poire". Une collection de chansons ‘popy’ qui puisent dans les années soixante leur fraîcheur juvénile. L’occasion pour le chanteur de réaffirmer sa liberté artistique et sa volonté d’exposer des artistes de qualité auxquels les maisons de disques ne font pas attention.
Jean-Louis Murat n'en fait qu'à sa tête et sort au printemps 2005 trois projets (!) : "1451", un livre tiré à 1.000 exemplaires disponible uniquement sur son site - un poème de mille vers, écrit et illustré par JLM, avec un DVD et un CD -. "1829", adaptation en musique de textes du chansonnier de l'Empire napoléonien, Pierre-Jean de Béranger (1780-1857). Et un album, enfin, "Moscou", dans lequel le chanteur ne montre aucune baisse de régime dans son écriture. Deux duos éclairent cet album intime et ample comme d'habitude : l'un avec la prometteuse Camille ("L'amour et les Etats-Unis") et l'autre avec Carla Bruni ("Ce que tu désires").
Après tant d'efforts, Jean-Louis Murat prend l'air en tournée, première date le 17 mars à Genève (Festival Voix de fête) puis tour de France jusqu'au 18 juin, en s'arrêtant notamment au Printemps de Bourges en avril.
Après tant d'années passées sur le circuit étroit de la chanson rock made in France, écrire que Jean-Louis Murat s'obstine à enregistrer plus ou moins le même disque serait faire injure à son art, qu'à la différence de son auditoire, il a toujours eu la pudeur d'appréhender comme s'il était mineur.
Après le poétique "Moscou", l'homme du centre (de la France) revient à ses sources (blues, rock, folk) et ose ce plus rugueux "Taormina" qui brille surtout par ses mots. Impeccablement rauque, l'arrangement (notamment ciselé par le bassiste-compagnon Fred Gimenez) sert sans les trahir "Caillou", "Est-ce bien l'amour", "La Raie manta" ou "Billy" qui grondent de guitares amadouées mais pas soumises.
Pour friser l'excellence, ne manquent à ces chansons que des mélodies plus franches, du calibre de celle de "Au-dedans de moi", moment de grâce de cette livraison. Certes, Murat, vient de changer de label et il lui faut trouver ses marques. "Taormina" s'inscrit dans la belle logique d'une carrière irréprochable dont on attend, juste pour voir de quoi le chanteur au faux flegme serait capable s'il acceptait le danger, qu'elle s'emballe. Peut-être à tort.
S'il en énerve certains, Murat en séduit beaucoup. Artiste à part, son talent d'écriture en fait un auteur de choix qui se lit autant qu'il s'écoute.
Source : RFImusique
Biographie fournie par : Webmaster ABC-TABS
Dernière modification : 20/09/2011