On peut voir en Salvador le rigolo de service qui a fait marrer la France entière avec "Zorro" ou "Le blues du dentiste". Mais, derrière l'humour, il y a tout le génie d'un formidable créateur qui, entre autres, a inventé le clip télé. A la fois proche de Boris Vian et de Ray Charles, il est le parfait exemple de ce que la France peut produire de mieux en matière de synthèse culturelle.
C'est à Cayenne, chef-lieu de la Guyane française, que naît Henri Gabriel Salvador le 18 juillet 1917. Son père, Clovis, d'origine espagnole, et sa mère, Antonine Paterne, fille d'une indienne caraïbe, sont tous deux natifs de la Guadeloupe. Il a un frère et une sœur.
A l'âge de 7 ans, Henri débarque en métropole où ses parents ont décidé de s'installer. C'est là que vers 11 ans, il découvre le jazz à travers Duke Ellington et Louis Armstrong. Il décide alors de devenir musicien. Durant toute sa carrière jusqu'à aujourd'hui, le jazz tient une place essentielle dans l'œuvre de Henri Salvador.
Dans les années 30, Henri fait un tas de petits boulots. C'est plutôt en tant qu'humoriste, qu'il fait ses premières armes aux terrasses des cafés. Après le violon et la trompette, Henri devient un as de la guitare et c'est son père qui lui offre son premier instrument. Il s'y forme seul, à l'oreille. En 1933, à 16 ans, il obtient ses premiers engagements dans des cabarets parisiens. Très vite, son talent de musicien mais aussi d'amuseur et d'humoriste le font connaître et apprécier du public. En 1935, il joue devant le Tout-Paris au Jimmy's Bar, cabaret renommé de l'époque. Django Reinhardt, lui-même, l'engage alors comme accompagnateur.
En 1936, il devient le guitariste du violoniste de jazz américain, Eddy South. A 20 ans, Henri Salvador est soldat. Lorsque la guerre éclate, il doit attendre 1941 pour passer en zone libre. Il se retrouve ainsi à Marseille, puis Nice, via l'Espagne. Engagé dans l'orchestre de jazz de Bernard Hilda à Cannes, il est repéré par Ray Ventura qui lui propose un emploi de musicien fantaisiste dans son orchestre. Ensemble, ils partent alors pour une longue tournée à travers l'Amérique du Sud. La guerre étant là, Henri accepte. Il débarque à Rio pour Noël 1941. Grâce à lui, les spectacles sont d'immenses succès.
En 1942, au Brésil, on lui propose alors un important contrat en vedette. Il accepte et pendant plusieurs mois, il va concurrencer les stars américaines dans leur propre langue. Il joue avec succès devant des salles remplies de milliers de soldats américains.
C'est donc riche d'une nouvelle expérience, qu'il rentre à Paris à la fin de la guerre. Ray Ventura fait de nouveau appel à lui mais Henri ne sort guère de son emploi de fantaisiste. Il décide alors en 1946, de monter son propre orchestre et une fois encore, le Tout-Paris artistique et littéraire de l'après-guerre se bouscule pour venir l'écouter.
Fort alors d'une certaine notoriété, il propose au directeur de Bobino de passer en vedette et seul. C'est un succès. En 1947, Henri Salvador sort son premier disque et premier tube, "Maladie d'amour", chanson traditionnelle créole. En 1948, il partage l'affiche de l'opérette "Le Chevalier Bayard" avec Ludmilla Tcherina et Yves Montand sur la scène de l'Alhambra.
En 1949, il obtient le grand prix du disque de l'Académie Charles Cros et passe à l'ABC, le temple des music-halls parisiens, dans la revue de Mistinguett "Paris s'amuse". C'est là qu'il rencontre Jacqueline, qui devient son épouse et son imprésario. Cette même année, sort le titre "Le Loup, la biche et le chevalier", qui restera un classique de son répertoire sous le nom "Une chanson douce". C'est à cette époque, qu'il rencontre Boris Vian via le pianiste de jazz Jack Diéval. Il interprétera quelques-unes de ses premières chansons dont "C'est le be-bop". Cette première collaboration est brève mais ils se retrouvent vers 1954 pour produire des dizaines de succès.
Les récitals se multiplient en France et à l'étranger. En 1954, Henri Salvador donne un concert à la salle Pleyel (Paris), comble. L'année suivante, il donne 6 mois de récitals dans la capitale. En octobre 1956, il part aux Etats-Unis où le célèbre animateur de télévision, Ed Sullivan, l'engage deux semaines dans son show. Son tempérament d'homme de scène, de véritable "showman" tel que les Américains le conçoivent, séduit les critiques de New York qui le surnomment "Fire Ball".
A son retour en France, il rencontre Boris Vian avec qui il composera plus de 400 titres. Leur répertoire se caractérise par un humour caustique et des influences inédites comme le rock'n'roll, rythme encore peu connu en Europe. Sous le pseudonyme de Henri Cording, Henri Salvador écrit avec Boris Vian, des titres qui mêlent blues ("Blouse du dentiste"), rock ("Rock and roll mops") ou encore biguine antillaise ("Faut rigoler"). En 1959, la mort subite de Boris Vian laisse Henri Salvador orphelin. Mais, plein de ressources, il monte sur scène à l'Alhambra, et pendant de nombreux mois, il joue et chante à guichets fermés.
En 1961, il obtient un très fort succès lors d'un passage de 12 semaines à la télévision italienne. Il décide alors de ne se consacrer qu'à la télé. Mais dès 1962, Henri et Jacqueline fondent leur propre maison d'édition musicale. Leur premier succès est "Le Lion est mort ce soir". En 1964, il crée son label Rigolo, sous lequel il sort de nombreux tubes à commencer par "Zorro est arrivé", puis de 1965 à 1968, "Syracuse", "Le Travail c'est la santé" ou encore "Juanita Banana".
Dés 1968, Henri Salvador revient en force à la télévision dans un show à sa dimension, "Salves d'or". Le succès est tel, qu'avec son épouse, il en produit 4 autres jusqu'à la fin 1969. En 1971, les studios Walt Disney se joignent à Henri Salvador pour lancer la chanson "Les Aristochats", chanson inspirée du dessin animé sorti en 1968. Salvador, qui a enregistré ce titre seul dans un studio improvisé chez lui, obtient pour cette performance, le prix de l'Académie Charles Cros.
L'année suivante, l'entreprise de Jacqueline et Henri Salvador prend un peu plus d'essor puisque cette fois, le couple monte son propre réseau de distribution. Retour triomphal à la télévision en 1973 pour le chanteur qui présente désormais tous les dimanches à l'heure du déjeuner "Dimanche Salvador". En outre, il devient de plus en plus l'idole des enfants. Sa version des Fables de La Fontaine et son 33 tours "Blanche Neige et les 7 nains" font un malheur.
Pour la veillée de Noël 1975, il présente un grand spectacle à la télévision sur la 2ème chaîne. Deux ans plus tard, c'est avec TF1, 1ère chaîne de télévision française qu'il signe un contrat pour 3 shows dont un entièrement consacré aux enfants avec le parrainage de Walt Disney. En cette même année 1977, il sort un coffret de 3 disques récapitulant sa carrière, "Le monde merveilleux d'Henri Salvador".
L'année 1978, se partage entre un nouvel album "les Canotiers" et un show estival, "C'est l'été", à la télévision. En 1979, il sort un album entièrement consacré à son ami Boris Vian disparu en 1959. Cet album sera mis en scène pour la télévision par Jean-Christophe Averty et diffusé en novembre sur la 2ème chaîne.
En 1980, il sort un nouvel album "Salvador en fête". En 1981, outre quelques nouveaux titres en 45 tours, sortent des albums de ses meilleurs titres et des albums pour enfants. En novembre 82, Salvador fait son grand retour sur scène, sous le grand chapiteau de la Porte de Pantin, salle de spectacle disparue depuis. Pendant 60 soirées exceptionnelles, il présente un show devant une salle comble. Il est accompagné pour l'occasion par de grands noms du jazz français comme Maurice Vander ou Eddy Louiss. Cette même année, il quitte RCA, sa maison de disques depuis 1977, pour le label DISC AZ chez qui il sort deux albums en public.
En 1985, il change à nouveau de maison de disques, et signe cette fois sur le label EMI Pathé Marconi. A cette occasion, sort son premier album de titres originaux depuis 1978, "Henri". En octobre, il s'installe au Palais des Congrès pour une nouvelle série de concerts à la tonalité plutôt jazzy. Ces récitals présentés à l'époque comme ses Adieux au music-hall, sortent sur un double album en 1987.
Après le décès de son épouse Jacqueline, Henri Salvador se remarie en mai 1986 avec Sabine Elysabeth Marie-Chantal. En décembre 1987, La SACEM (Société des Auteurs-Compositeurs) lui décerne le grand prix de l'humour. Un an plus tard, en octobre, le Président François Mitterrand le nomme Chevalier de la Légion d'honneur. L'année 1988, se clôt pour Henri Salvador par un nouveau show télévisé sur TF1 et dans lequel sont invités de grandes stars internationales telles Al Jarreau ou Tom Jones.
En 1989, sort l'album "Des goûts et des couleurs" et en 1990, Henri Salvador signe avec Carrère Music pour la publication d'une compilation et d'une anthologie en 8 volumes qui voit le jour en 1991. En 1992, Henri Salvador revient à sa première passion, le jazz, et donne des récitals dans les clubs de jazz parisiens.
C'est à New York que Henri Salvador enregistre en 1994 un nouvel album, "Monsieur Henri", qui sort sur le label Tristar de Sony Music. Entouré d'excellents musiciens américains, Salvador renoue sur ce disque avec ses racines, le blues. Les textes sont signés de noms tels que Boris Bergman, Jean-Claude Vannier, Gérard Presgurvic mais aussi des amis disparus tels Bernard Dimay ou Boris Vian. Il reprend même le célébrissime "Layla" d'Eric Clapton. Ce nouvel album est ponctué en 1995 par une série de concerts au Casino de Paris et d'un ouvrage de souvenirs "Attention ma vie" (Editions Lattès)‚écrit en collaboration avec l'écrivain Jean Curtelin.
Tantôt poète tantôt humoriste au rire bien connu, Henri Salvador a toute sa vie pris le parti d'allier swing et bonne humeur. Lors de la cérémonie des Victoires de la Musique 1996, à 79 ans, il donne une nouvelle fois la preuve de son professionnalisme et de son enthousiasme en réalisant un mémorable duo avec le chanteur américain, Ray Charles.
Après quelques années de silence, de pétanque et de farniente, Henri Salvador revient au fronton de l'actualité en 2000 avec un album qui remporte un énorme succès, fort mérité. Entouré d'une équipe toute nouvelle et très jeune, il enregistre "Chambre avec vue", treize titres au charme brésilien. Grâce à son directeur artistique, Marc Domenico, Henri découvre les musiques et les textes d'auteurs tels Keren Ann, Art Mengo ou Thomas Dutronc. La mère de ce dernier, Françoise Hardy, écrit également pour Henri Salvador et accepte de partager un duo avec lui. Le chanteur, du haut de ses 83 ans, est sous le charme et se remet lui-même à la composition pour l'occasion. C'est ainsi que le 17 octobre, sort l'album qui en quelques semaines récolte un disque d'or. Le succès critique est général et tout le monde reconnaît la beauté des chansons, des textes et de l'interprétation.
Bien qu'ayant une grande carrière derrière lui, les professionnels de la musique le choisissent lors de la cérémonie de remise des Victoires de la Musique en février 2001, comme Interprète masculin de l'année et lui décerne aussi la Victoire de l'album de variété pour "Chambre avec vue". Le 8 octobre 2001, Henri Salvador est élevé au rang de Commandeur de l'Ordre national du mérite par le Président de la République Jacques Chirac lors d'une cérémonie de remise de décorations à l'Elysée.
Année exceptionnelle que 2001. L'année de son retour sous les feux de la rampe, l'année de son retour sur scène : une grande tournée en France avec un passage à l'Olympia du 24 au 27 avril, quelques jours après sa prestation au Printemps de Bourges. En juillet, on le retrouve au festival des Vieilles Charrues en Bretagne, au Paléo Festival de Nyon en Suisse, au Nice Jazz Festival. De toutes parts, on applaudit et plébiscite le fringuant octogénaire. Ravi, l'intéressé continue dès octobre ses concerts à travers la France et s'installe au Châtelet à Paris pour finir joyeusement l'année, du 27 décembre au 4 janvier 2002. Salvador est en forme, et au milieu du succès populaire retrouvé, il choisit de se marier en novembre 2001 avec sa compagne, Catherine Costa, productrice de télévision.
Au printemps 2002, Mr Henri poursuit sa tournée. Brest, Monaco ou Toulouse sont au programme entre mars et avril avant d'attaquer les festivals de juillet : Francofolies de la Rochelle et de Montréal. En dépit de son âge, Salvador continue sa route internationale : New York, Tokyo, la Martinique, la Guadeloupe mais aussi pour la première fois sa terre natale, la Guyane.
En octobre, le chanteur collabore à l'album "Gipsy Project & Friends" du guitariste jazz manouche Bireli Lagrène. Mi-décembre, l'homme au rire le plus fantasque de la chanson française entre au Musée Grévin.
Janvier 2003. Henri Salvador est de retour en studio pour enregistrer son album "Ma chère et tendre" hommage à sa tendre et chère Catherine Tosca. Sur les quatorze chansons présentes, l'artiste en a composé douze dans la même veine que son précédent opus c'est-à-dire à la fois jazzy, bossa nova, blues et variété. Pour les paroles, Keren Ann et Benjamin Biolay largement présents sur "Chambre avec vue" ne sont présents que sur deux titres "Ma chère et tendre" et "Ailleurs". Ils laissent leur place à Guy Béart, Bernard Dimey, Michel Modo, Jean Drejac, ou encore Maurice Pon et Robert Nyel.
L'année 2004 est l'année des récompenses pour Mr Henri. Le 5 février l'UNAC (Union Nationale des Auteurs et Compositeurs) distingue l'artiste pour l'ensemble de sa carrière en lui décernant son grand prix. Le 11 avril, un décret publié dans le Journal Officiel le nomme au grade de commandeur de la Légion d'honneur. Distinction qu'il reçoit des mains du président Jacques Chirac au mois de juin.
Mais cette année-là est aussi celle des concerts. Démarrée le 31 janvier, la tournée qu'il effectue en France le mène à Paris entre le 6 et le 15 février pour 7 dates de prestige : en effet, il se produit avec quelques cinquante musiciens sur la scène du Palais des Congrès. En novembre, sort "Bonsoir amis", le live enregistré dans cette salle qu'il retrouve les 11 et 12 février de l'année suivante pour deux concerts exceptionnels.
Alors que l'année du Brésil en France bat son plein, Henri Salvador, qui est aussi le parrain de cette grande manifestation culturelle, se retrouve sur scène avec le ministre de la culture brésilien Gilberto Gil, le 13 juillet 2005. Participant à un grand concert gratuit à la Bastille à Paris, les deux artistes interprètent en duo "Jardin d'hiver". En novembre, se rendant au Brésil, Henri Salvador est décoré de l'Ordre du mérite brésilien par le président Lula, en présence de Gilberto Gil.
Agé de 89 ans, le fringuant Monsieur Salvador décide d'arrêter la scène. C'est le sens du titre qu'il donne au nouvel album qui sort en octobre 2006. "Révérence", enregistré en partie à Rio de Janeiro, sous la houlette du grand arrangeur Jaques Morelenbaum est un disque au sonorités bossa nova. "Cherche la rose" est un duo avec le chanteur brésilien Caetano Veloso. On retrouve aussi Gilberto Gil sur "Tu sais je vais t'aimer", une reprise de "Eu sei que eu vou te amar" un morceau de Tom Jobim adapté en français par Georges Moustaki. Le crooner français rend hommage sur cet album à l'écrivain Françoise Sagan ("Mourir à Honfleur") en même temps qu'à Ray Charles avec "Alleluia ! je l'ai dans la peau", une reprise en français d'un titre du musicien américain. Entre triste nostalgie et rythm'n'blues clinquant, Henri Salvador fait avec "Révérence" le grand écart artistique, exercice qu'il connaît parfaitement.
Le jour de ses 90 ans, il se produit sur les planches du Sporting de Monte Carlo, le 18 juillet 2007. Le 26 octobre, c'est la salle Pleyel à Paris qui l'accueille. Der des der, le 21 décembre, il donne son dernier récital au Palais des Congrès de la capitale française.
Mercredi 14 février 2008, l'artiste décède des suites d'une rupture d'anévrisme. Ses obsèques sont suivies quelques jours plus tard par plusieurs milliers de personnes, dont le président de la république française, Nicolas Sarkozy et le prince Albert de Monaco.
Source : RFImusique
Biographie fournie par : Webmaster ABC-TABS
Dernière modification : 01/08/2011