Dans le coeur des français, il reste ce garçonnet de dix ans, tout seul dans son coin à la récré. Les bobos de l'âme, Souchon connaît. Mais ce qui pourrait sonner plaintif ou geignard, autant dire insupportable, prend dans sa bouche des accents d'infinie tendresse, non dénuée d'humour. Souchon-Voulzy, Voulzy-Souchon, ces deux-là se sont trouvés à la perfection. Paroles simples et tendres, musiques de grande qualité, l'alchimie fonctionne et le couple (professionnel) vit heureux, de Belle-Ile à Lann Bihoué.
Alain Kienast/Souchon naît le 27 mai 1944 à Casablanca, au Maroc où son père, Pierre, est professeur d'anglais. Sa famille rentre à Paris lorsqu'Alain a 6 mois. Enfant timide, il ne se passionne guère pour l'école et préfère les vacances à la campagne. En 1959, au retour d'un séjour aux sports d'hiver, la famille est victime d'un accident de voiture dans lequel le père d'Alain perd la vie. L'adolescent a 15 ans et ce décès est un réel traumatisme. Il n'en devient que plus introverti. Pour nourrir Alain et son frère aîné, leur mère commence à écrire des romans de gare sous un pseudonyme. Les conditions de vie ne sont plus les mêmes et la famille déménage dans un immeuble plus modeste. A cette occasion, la grand-mère d'Alain s'installe avec eux. Grâce à elle, et à son poste de radio toujours allumé, il découvre de nombreux chanteurs. La musique commence alors à l'intéresser de plus en plus.
Envoyé en pension dans de tristes collèges de province, Alain se consacre plus à la poésie et aux textes qu'il aime écrire qu'aux cours qui l'ennuient. Il est solitaire et rêveur. En 1961, sa mère choisit de le placer dans un lycée français en Angleterre. Suite à des problèmes d'inscription, Alain n'y entre finalement pas, mais reste à Londres où il devient serveur dans un pub. Ce séjour loin de chez lui l'aide un peu à s'épanouir. Il tente de passer son baccalauréat par correspondance, mais échoue une fois, deux fois, trois fois ...
De retour en France, il se met à la guitare et compose quelques chansons. C'est sa passion. Il vit de petits boulots et parallèlement, passe de nombreuses auditions. En vain. Il écoute tous les grands chanteurs de l'époque, Barbara, Brassens et surtout Brel à qui il voue une véritable admiration. La grande vague anglo-saxonne des années 60 ne le laisse pas indifférent non plus et il lui arrive même de chanter des titres américains lors de ses auditions.
En 1969, il rencontre Françoise, dite Belote, qui devient son épouse en 1970. La même année, naît son fils Pierre. Il continue toujours à chanter dans les cabarets et bars de la Rive Gauche, le quartier littéraire et intellectuel de Paris. Mais, il gagne très peu d'argent et l'ambiance de ces endroits ne lui convient pas du tout. Son épouse l'encourage cependant à persévérer. Effectivement en 1971, il décroche un premier contrat sur le label Pathé-Marconi. Après trois 45 tours dont "Je suis un voyageur" et "Un coin de solitude", le constat d'échec est évident.
1973 marque la fin de la galère pour le jeune chanteur. Il fait la connaissance de Bob Socquet, directeur artistique chez RCA qui est très intéressé par le répertoire tendre et désabusé d'Alain Souchon. Celui-ci vient juste d'écrire "L'Amour 1830" pour Frédéric François, chanteur romantique d'origine italienne. Mais Bob Socquet l'encourage à chanter ce titre qu'il présente même lors du concours de la Rose d'Or d'Antibes. Il obtient alors le Prix de la critique et le Prix spécial de la presse. C'est un premier succès.
Le déclic, c'est la rencontre avec Laurent Voulzy. Jeune musicien né en 1948 et nourri de musique anglo-saxonne, Voulzy en est à cette époque à peu près au même point que Souchon. Sa carrière ne décolle guère. Le contact entre les deux chanteurs est immédiatement excellent. Leurs personnalités se révèlent très complémentaires et leur travail va le prouver très vite. Plus doué pour les textes, Alain Souchon manquait de musiques intéressantes. Voulzy va combler définitivement cette faiblesse. A son contact, Souchon simplifie et allège son écriture.
Dès 1974, la première collaboration Souchon/Voulzy fait un tabac, même si Voulzy n'est encore qu'arrangeur. L'album "J'ai 10 ans" met en valeur le style élégant de Souchon et la modernité de Voulzy. Le titre du même nom est le premier tube d'Alain Souchon. Dans ce texte, il chante déjà un certain mal de vivre, thème fréquemment abordé dans son répertoire.
Après des années sur les minuscules scènes des cabarets, Alain Souchon monte enfin sur une grande scène parisienne à l'Elysée-Montmartre en 1975, puis à l'Olympia en première partie de Jean-Jacques Debout. Un an plus tard, sort un second album, "Bidon" pour lequel Laurent Voulzy a cette fois écrit toutes les musiques. Grâce au titre "Bidon", qui est un énorme succès critique et public, Alain Souchon est cette fois un chanteur reconnu par le plus grand nombre.
En 1977, le succès continue avec l'album "Jamais content". C'est sur cet album que se trouve la chanson phare du répertoire d'Alain Souchon, "Allô maman bobo", texte attachant et hymne à une certaine fragilité masculine que revendique le chanteur. Dans un autre registre, on retient également "Poulailler's song" dans laquelle Souchon évoque par l'humour le racisme ambiant. En dépit d'une image d'incorrigible rêveur, le chanteur aime aborder régulièrement certains problèmes de société auxquels il est très attentif. Il retrouve en 77 la scène de l'Olympia en première partie de l'humoriste Thierry le Luron.
Le travail d'écriture que se partagent Souchon et Voulzy profite également à Laurent Voulzy qui en 1977, obtient un succès sans précédent avec le titre "Rockcollection" sur un texte de Souchon. Les deux complices aiment quitter Paris et s'isoler plusieurs semaines pour écrire un nouvel album que ce soit pour Souchon ou pour Voulzy. Un de leurs lieux de prédilection est la Bretagne. Leur complicité est très prolifique et dès 1978, sort à nouveau un album pour Alain Souchon, "Toto 30 ans". C'est un disque un peu plus sombre que le précédent, mais le public suit toujours. Les titres "Le Bagad de Lann Bihoue" ou "Papa Mambo" sont de gros succès de vente. Ce disque marque également un premier pas d'Alain Souchon vers le cinéma puisque le réalisateur François Truffaut lui a commandé la chanson-titre de son film "L'Amour en fuite". En 1978, naît Charles, le second fils d'Alain Souchon.
Plusieurs mois plus tard, en janvier 1980, c'est en vedette que le chanteur est invité à l'Olympia. C'est un triomphe. En novembre, il y retourne pour neuf soirées. Laurent Voulzy l'y rejoint une fois pour deux chansons inédites.
En 1980, sort l'album "Rame" sur lequel Alain Souchon retrouve son ami Michel Jonasz qui l'accompagne sur un titre, "Jonasz". Depuis 1974, les deux artistes écrivent régulièrement ensemble et partagent une vision très proche de leur métier.
Cette année-là, Alain Souchon fait ses premières armes de comédien devant la caméra de Claude Berri dans "Je vous aime". Aux côtés de Catherine Deneuve, Gérard Depardieu ou encore Serge Gainsbourg, Alain Souchon joue un homme très proche de son image publique, fragile et mélancolique. Sa prestation est unanimement appréciée et dès 1981, c'est Jean-Paul Rappeneau qui fait appel à lui pour partager l'affiche avec deux stars, Isabelle Adjani et Yves Montand. Le film "Tout feu tout flamme" est un succès. Mais c'est surtout dans "L'Eté meurtrier" de Jean Becker en 1983 que le public est impressionné par la composition d'Alain Souchon dans un personnage qui devient meurtrier par amour. Il retrouve à cette occasion la comédienne Isabelle Adjani.
Pendant cet intermède cinématographique, Alain Souchon délaisse la chanson mais dès septembre 1983, sort "On avance", album un peu différent pour lequel il fait appel à d'autres amis chanteurs pour co-écrire quelques titres : "On est si beau" avec Michel Jonasz, "Les papas des bébés" avec Louis Chédid, "Casablanca" avec David Mc Neil. Seul le très beau "Saute en l'air" est co-signé par Voulzy. A partir du 20 septembre, il monte sur la scène de l'Olympia, puis entame une tournée à travers le pays.
Fin 1984, les deux complices s'isolent à nouveau entre la Bretagne et Saint-Tropez pour écrire l'album "C'est comme vous voulez" qui sort en 1985. Entre temps, Alain Souchon a quitté son label RCA pour intégrer Virgin. A quarante ans, Souchon aborde un style un peu moins fragile et morose comme en témoigne le titre "J'veux du cuir". Mais la tendresse reste l'habit principal de son travail et le public ne s'y trompe pas en faisant un tube du titre "La ballade de Jim".
En mai 1986, il investit la très grande salle du Palais des Sports à Paris avant de partager une tournée avec la chanteuse Véronique Sanson du 11 novembre au 11 décembre. Sur le principe du duo et de l'alternance, les deux chanteurs mettent au point un très beau tour de chant du nom de "Chacun mon tour" qui traverse la France, la Belgique et la Suisse. En 1987, sort le film "Comédie" de Jacques Doillon dans lequel Alain Souchon joue le compagnon de Jane Birkin. Depuis "L'Eté meurtrier", Alain Souchon fait des passages réguliers sur les plateaux de cinéma, mais son rôle dans "Comédie", même s'il est moins connu, est sans doute un de ses plus touchants.
Fin 88, nouvel exil provincial pour le duo Souchon/Voulzy, mais pour la première fois, ils abandonnent la Bretagne pour Monaco. Le travail qui en sort est l'album "Ultra moderne solitude" en 1989. Alain Souchon interprète ses nouveaux titres sur la prestigieuse scène du Théâtre des Champs-Elysées entre avril et mai. Parmi eux, le public plébiscite "La beauté d'Ava Gardner" ainsi que "Quand j'serai KO" qui sera récompensé l'année suivante par la Victoire la Musique du meilleur titre de l'année. C'est au Casino de Paris que Souchon réitère son récital en septembre 89. Ces spectacles font l'objet d'un album live, "Nickel", qui sort en 1990.
Après une tournée, un film ou deux et du repos, Alain Souchon est de retour au tout devant de la scène musicale en 1993. Son nouvel album "C'est déjà ça" est un énorme succès public et critique, dont le premier extrait "Foule sentimentale" est la preuve flagrante. Ce titre devient un tube essentiel du répertoire du chanteur mais aussi de la chanson française. Plus politisé, cet album évoque des thèmes de société de façon plus aiguë que d'habitude. Néanmoins, les textes de Souchon ne perdent rien de leur poésie particulière et de leur couleur tout en douceur. Un des titres de l'album, "Le Fil", est co-signé par Pierre Souchon, son fils. Musicien, Pierre chante également dans le groupe les Cherche Midi avec un autre fils de chanteur, Julien Voulzy. Pour ce disque, Alain Souchon s'est remis à la composition et a fait une place plus large à la guitare dont le son domine l'ensemble. L'attachement d'Alain Souchon aux problèmes de société est mis en lumière lorsqu'il participe en octobre 93 au concert de l'Olympia organisé au profit de l'association Sol En Si (Solidarité Enfant Sida) au côté de ses amis Cabrel, Jonasz, Le Forestier, Catherine Lara et Maurane.
Début 94, le deuxième extrait de l'album, "L'amour à la machine" est un nouveau succès. Quelques jours après en février, il est récompensé par deux Victoires de la Musique, celles de la Meilleure Chanson de l'année et du Meilleur Artiste masculin. Souchon aura vendu plus d'un million d'exemplaires de son album. Il retrouve la scène de l'Olympia du 17 mai au 11 juin, puis en octobre, il remplit les quatre mille places du Zénith pendant trois soirées. Un album live sorti en octobre 95 témoigne de ce succès scénique. A cette date, plus d'un million d'albums se sont déjà vendus, sans compter les simples. Enfin, 200.000 spectateurs se sont pressés aux concerts du chanteur lors de sa dernière tournée. En 1996, il obtient le Prix Vincent Scotto décerné par la SACEM (Société des Auteurs Compositeurs) pour le titre "Sous les jupes des filles".
L'expérience humanitaire entamée en 93 avec Sol En Si se renouvelle en 1995 sur un album dans lequel Alain Souchon et Laurent Voulzy chantent aux côtés de leurs fils respectifs, Pierre et Julien. Puis en 1997, Alain Souchon remonte sur la scène du Casino de Paris au profit de Sol En Si pour un concert proche de celui de 93 et avec la même association d'artistes enrichie de la chanteuse Zazie. Les sept chanteurs passent une semaine au Casino puis partent en tournée. Outre Sol En Si, Alain Souchon avait aussi participé aux concerts des Enfoirés en 94, 95 et 96 au profit des Restaurants du coeur.
Ciseleur de chansons populaires, Souchon récidive avec son acolyte de toujours Laurent Voulzy en novembre 99. L'album "Aux ras des pâquerettes" est un peu plus pessimiste dans les textes que les précédents, la musique un peu en demi-teinte, voire nostalgique comme dans le premier simple "Rive gauche". A l'occasion de ce nouveau CD, Alain Souchon lance son site internet en grande partie conçu par son fils Charles. Très vivant et très drôle, ce site réserve des surprises telle que cette mise en vente du disque de platine reçu par le chanteur pour son dernier album. Mis aux enchères, il est acheté en ligne par une admiratrice au prix de 8700FF, l'argent étant reversée au profit des protecteurs des oiseaux mazoutés suite au naufrage du pétrolier l'Erika.
Le 18 avril 2000, Alain Souchon entame sa tournée 2000, "Tout simplement", au Palais des Sports de Paris. Le 24 avril, il est le point d'orgue du Festival du Printemps de Bourges avant de continuer son périple jusqu'à l'été. Pause estivale, quelques festivals, puis il repart sur les routes à l'automne avec un passage triomphal au Zénith parisien les 10 et 11 novembre.
La tournée 2000/2001 compte 140 dates. Mais une fois terminée fin 2001, il redémarre en janvier 2002 dans une formule qui se veut acoustique. Avec seulement trois musiciens, il ne visite que des "petites" salles. Et partout, c'est le même succès. En mars, il donne six concerts au Casino de Paris qu'il retrouve pour dix soirées à guichet fermé du 29 avril au 10 mai.
En février 2005, à l'occasion des 20 ans des Victoires de la Musique, Alain Souchon reçoit une Victoire d'honneur dans la catégorie "Chanson originale" pour "Foule sentimentale" sorti en 1993.
De plus en plus cité par ses jeunes collègues de la génération montante comme un exemple à suivre, Alain Souchon, la soixantaine apparemment légère, retrouve le chemin du studio et sort finalement un disque en septembre 2005 intitulé "La Vie Théodore". A l'origine, le musicien envisageait de produire un album-concept sur des personnages qu'il apprécie. En définitive, il abandonne cette idée, pensant qu'il serait "moins bon pour cet exercice que Vincent Delerm". Modeste, presque timide, Alain Souchon trimbale toujours cette mélancolie qui le rend si attachant au yeux du public. Cela ne l'empêche pourtant pas de dénoncer les travers de la société ("Putain ça penche", une litanie de noms de marques) ou encore d'exprimer ses propres centres d'intérêt (les religions avec "Et si en plus y'a plus personne", premier extrait de l'album). Il rend aussi hommage à sa façon à Théodore Monod, "la Vie Théodore" et à Françoise Sagan, "Bonjour tristesse". Son complice de toujours signe la musique de quelques titres alors que Pierre, son fils cosigne trois titres avec lui. Une tournée est envisagée dès le début de l'année 2006.
Après le succès de « La Vie Théodore », Alain Souchon revient avec un nouvel album : "Ecoutez d'où ma peine vient " : l'album le plus attendu de l'année 2008, best seller à coup sûr ! Déjà 2 tubes dans l’album avant même sa sortie : « Ecoutez d’où ma peine vient » et « Parachute doré »...
A plus de 60 ans, Alain Souchon est un artiste majeur de la Chanson française. Au même titre qu'un Brassens ou un Brel, son répertoire fait figure d'œuvre forte et essentielle où se mêlent habilement poésie, tendresse, mais aussi une certaine sensibilité politique.
Septembre 2005
Historique: http://www.rfimusique.com/
Source : RFImusique
Biographie fournie par : Webmaster ABC-TABS
Dernière modification : 22/06/2011